Le naufrage tragique de plusieurs centaines de migrants la semaine dernière en Méditerranée a rappelé une nouvelle fois à l’Europe son devoir d’agir face au défi migratoire. Alors que l’arrivée du printemps et in fine de meilleures conditions climatiques, ce sont d’autres hommes, femmes et enfants qui vont fuir leur pays et tenter, au péril de leur vie, de rejoindre nos rives, via la mer Égée, vers la Grèce, et depuis la Libye, vers l’Italie.
Ce drame appelle à dresser un bilan des moyens donnés par les États membres de l’Union européenne.
A l’heure actuelle, deux opérations sont menées. Tout d’abord, le dispositif Triton a succédé à Mare Nostrum en novembre 2014, quelques mois après le drame de Lampedusa. Mise en place par l’Italie, Mare Nostrum aurait permis de sauver environ 150.000 personnes en Méditerranée. Le dispositif a rapidement suscité des doutes, pour trois raisons. Premièrement, géré par l’Agence européenne pour la gestion des frontières FRONTEX, il est doté d’un budget limité (3 millions d’euros par mois alors que l’Italie en consacrait 9 à Mare Nostrum). FRONTEX ne compte donc que sur les moyens humains et les ressources des États membres. Deuxièmement, le dispositif se concentre davantage sur la gestion des frontières que sur la recherche et le sauvetage. Enfin, il ne s’avance pas aussi loin dans les eaux internationales, où surviennent de très nombreuses morts, et sa zone de déploiement est plus proche du littoral européen. C’est ce dernier point qui a incité en juin 2015 au lancement d’une deuxième opération, Sophia. Déployée sur les eaux internationales au large de la Libye, impliquant moyens militaires et étatiques, sa mission première est la lutte contre le trafic des passeurs en Méditerranée. L’opération, qui coûte plus d’1 million d’euros par mois, a permis de sauver plus de 13 000 personnes en moins d’un an et de neutraliser plus de 100 bateaux. Désireux d’étendre l’opération dans les eaux territoriales libyennes, les 28 États membres, qui ont adopté le 21 avril une position commune sur la création d’un nouveau corps européen de gardes-frontières, ne peuvent cependant pas le faire sans demande et autorisation du gouvernement libyen.
Le bilan de ces deux opérations se révèle mitigé. Nous pouvons en effet regretter une action de l’Union européenne avant tout centrée sur le contrôle des frontières et non sur le sauvetage des migrants. L’un et l’autre peuvent pourtant aller de pair. En outre, ces opérations agissent sur un terrain circonscrit, ayant un périmètre plus réduit que celui de Mare nostrum et les moyens mis à contribution par l’UE se révélant insuffisants. Nous pouvons ainsi déplorer que les ONG aient à pallier le manque de ressources et affrètent leurs propres secours.
Ce bilan va de pair voire souligne la difficile esquisse au sein des États membres de l’Union en faveur d’une politique solidaire, commune et de long terme dans le domaine migratoire. Nous soutenons alors la prise effective des mesures en faveur de la réforme du régime d’asile européen commun présentées par la Commission européenne en ce début du mois d’avril 2016 : système équitable et durable de répartition des demandeurs d’asile, harmonisation des procédures et des normes, renforcement du mandat du Bureau européen d’appui (EASO), ouverture et renforcement des voies de migrations légales et sûres. Porteuses des valeurs d’ouverture, d’accueil et d’humanité, ces mesures doivent enfin être le tremplin à une réponse européenne des 28.